Camera camera I Nice I 11.2018

Artistes Exposés

Sylvain Couzinet-Jacques

Ugo Schiavi

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UGO SCHIAVI & SYLVAIN COUZINET-JACQUES

Même à l’arrêt, les corps vivent. Ainsi des sculptures de Ugo Schiavi. Celles-ci font écho aux corps filmés au ralenti de Sylvain Couzinet-Jacques. Image fixe, image mouvement se répondent ici dans un dialogue fécond. Ce dernier a filmé pendant plus d’un an une cohorte de jeunes qui se réunissent chaque jour à la tombée de la nuit autour de l’Arc de la Moncloa, un monument construit sous la dictature de Franco, aujourd’hui laissé à l’abandon. Dans cette demie-nuit, tendre pénombre encore mordue par le soleil couchant, la jeunesse balbutie, murmure, fume, se délasse. Le slow motion érotise chacun de leur mouvement. Ce n’est ni tout à fait de la vidéo, ni de la photographie. Il ne fait ni noir ni clair. Ce ne sont ni des enfants, ni des adultes. C’est une parade, parfois amoureuse, de l’entre-deux que capte l’artiste. Une chorégraphie non chorégraphiée qui semble pourtant écrite.

Et peu à peu, contre toute attente, une narration apparaît au détour des images. Comme ce bras qui enlace un autre bras. Ou ce regard qui tombe dans les yeux d’un autre. Des mouvements d’une grâce inouïe que semble avoir scénarisé le réalisateur. Il est bien aussi question de narration dans les sculptures de Ugo Schiavi. Le buste enlacé de sa réplique de l’enlèvement de Perséphone du Bernin comporte en effet en un seul geste, une histoire, une séquence narrative.

Dans ces deux corpus de travaux mis en regard, la charge fictionnelle est grande. Pour l’un se joue l’épisode du rapt de Proserpine, où celle-ci est enlevée et guidée jusqu’au monde souterrain par le dieu Hadès.

Pour l’autre, se trament des histoires mystérieuses et sourdes d’ado qui ne seront jamais connues de nous. C’est toute la puissance de la vidéo Subrosa : mettre un pied dans son univers, c’est plonger dans la source inépuisable de l’imaginaire. Les capacités imageantes sont ici vivement sollicitées. Qui sont-ils ? Que viennent-ils faire là ? Quelle est cette communauté, cette société réunie autour de ce cérémoniel contemporain avec ses codes propres ?

A cette masse juvénile et indomptable que le regardeur apprend à connaître au fil des quatre heures de film, se tiennent les fragments sculpturaux de Ugo Schiavi, vêtus de la même façon, en jean, en t-shirt, laissant loin derrière l’Antiquité tout en la convoquant par endroits. Moulés à même des modèles vivants ou des statues dans l’espace public, comme c’est le cas pour Le dresseur d’ourson de Botinelly, les corps semblent encore palpiter malgré leur minéralisation. Une présence rendue possible bien sûr par l’extrême technicité et précision du moule, à fleur de peau, mais surtout par ce prélèvement du réel qui porte l’artiste, on le redit, à laisser ses modèles habillés comme ils le sont dans leur quotidien. En baskets, c’est ainsi que se donne sa statuaire pour ainsi laisser l’ordinaire passer la porte de la sacralité sculpturale. Gonfler l’académisme d’un souffle de vie actuel. Et ancrer la pratique de la sculpture dans la modernité à la façon dont un Rodin cassa à ses heures les codes, à travers notamment le non-finito.

Corps de béton ou corps animés, ceux-ci apparaissent comme les traits d’une époque, étendards d’une histoire qu’ils ne maîtrisent pas, car encore trop proche d’eux. Se nouant sous leurs yeux.

Drapés par l’image et l’histoire que les marques choisissent d’écrire pour eux. De ces nouveaux drapés aux sigles reconnaissables, se dégagent autant d’icônes contemporaines dont l’identité aux contours flous épouse toute la jeunesse.

Léa Chauvel-Lévy

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