Caroline Denervaud
1ère Exposition personnelle en France
Du 22 Mars au 22 Mai 2019
Commissariat : Emmanuelle Oddo
Les mots du Commissaire
En 1964, André Breton écrivait à propos d’Alechinsky « Ce que je goûte le plus dans l’art est ce que vous détenez, ce pouvoir d’enlacement des courbes, ce rythme de toute évidence organique, cet heureux abandon de femme que vous obtenez des couleurs, de la lumière ». En 2019, on pourrait prêter ces mots à l’œuvre vibrante de Caroline Denervaud.
Dans le contexte artistique contemporain, qui a fait des avants-gardes un nouveau classicisme, les peintures de Caroline nous ramènent à l’Ecole de Paris d’après guerre. En effet, comment ne pas voir dans son travail une réminiscence de l’abstraction lyrique de Serge Poliakoff, ou encore des conversations qu’entretenait Maurice Estève avec ses toiles ?
Chez eux comme chez elle, aucune image préétablie, aucune forme souhaitée a priori. La primauté est donnée au dialogue infini qu’entretiennent le geste et la couleur. A l’heure de l’éphémère et du pastiche, si l’on décidait de juger l’âme d’une œuvre d’art à son degré d’incarnation, la sincérité de Caroline Denervaud ne ferait nul doute : chacun de ses gestes répond à un besoin inné, absolu et impérieux, si bien qu’il lui est impossible de tricher.
C’est pourquoi, à la regarder peindre, l’envie nous prend d’abord de parler de ses mouvements, de l’implication du corps dans son processus de création. Ses traces et vidéos auto-filmées, déjà présentées chez Double V début 2018, documentent des performances dansées - mais jamais chorégraphiées - où les gestes de l’artiste se balancent de l’intrinsèque à l’extrinsèque, pour finalement accoucher de tracés d’une intense ferveur à la surface du papier.
Dans la nouvelle série présentée aujourd’hui, l’importance de la couleur rejoint celle du geste pour ouvrir de nouveaux horizons picturaux. Car comme le rappelait parfaitement Poliakoff, « il ne faut pas oublier que chaque forme a deux couleurs : l’une intérieure, l’autre extérieure ». La gamme chromatique donne désormais le ton, portée à son paroxysme par l’artiste en proie à son imagination, abandonnant les références au monde extérieur pour créer son propre univers et s’acheminer vers l’abstraction pure. En résulte un monde en perpétuelle mutation, où l’image jaillit de la palette.
Des formes et des couleurs « qui nous troublent et nous émeuvent comme seuls peuvent le faire tous les signes poétiques qui font allusion à ce profond monde enseveli en nous, tel une seconde nature ». Charles Estienne, Denervaud te salue.
Emmanuelle Oddo