-Côme Clérino-
Première exposition personnelle en France
Du 30 mai au 27 juillet 2019
Commissariat : Léo Marin
Proposition : Emmanuelle Oddo
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ET SI ON PASSAIT LES MEUBLES PAR LA FENÊTRE ?
La question est posée et elle titre la première exposition personnelle de Côme Clérino en France, une carte blanche donnée par la Double V Gallery à l’occasion du Printemps de l’Art Contemporain 2019 (PAC-2019). À quoi s’attendre alors ?
Déjà le 14 juin 2018, pour la revue en ligne Point Contemporain, à l’occasion d’un portrait de l’artiste j’écrivais : “Côme Clérino trouve les motifs et les matières dont il s’inspire, dans la rue, sur les chemins qui le mènent de chez lui à son atelier, dans des errances plus déambulatoires ou encore dans des trajets de collecte de « motif / matière » qu’il compile”.
L’espace urbain à transmutation rapide, où les murs se détériorent, les affiches se déchirent, les chantiers se démultiplient et se métamorphosent à mesure qu’ils avancent et laissent derrière eux les traces de la construction et les débris, qui érigent de nouveaux murs, est le décorum de nos déplacements quotidiens et de ceux de l’artiste : son nuancier d’inspirations favori.
C’est toutes ces matières et tous ces changements que l’on retrouve dans les œuvres de l’artiste. Mousses, résines, plastiques et enduits, autant de matériaux aux propriétés antinomiques, comme autant de combinaisons avec lesquelles il compose et agence. Des combinaisons d’effets-matériaux-couleurs, directement empruntées dans la gamme de notre quotidien urbain.
Côme Clérino est un artiste dont l’œuvre à la composition établie à partir de motifs/matières structurant.e.s, d’inspiration urbaines, où la picturalité couvrante de nos édifices se fait aussi matière porteuse et structurelle de son travail. Quelle est l’aspérité qui recouvre, la surface lisse qui homogénéise, la brèche dans la matière qui nous montre qu’un élément est solvable dans l’autre ou bien au contraire… Autant de petits combats de matières picturales amoureuses qui nourrissent immanquablement notre regard, de moins en moins attentif à la beauté de ce qui recouvre les surfaces de nos villes et les changements qui s’y opèrent.
Pratique que nous retrouvons avec plaisir dans cette exposition. De grands formats au mur reprennent ces compositions de matières, avec des agencements où la couleur n’est plus seulement le maître mot définissant l’aspect de l’œuvre, mais où les contingences du support pictural, parfois même appliquées abondamment se retrouvent être les composants qui le portent à notre regard et révèlent les aptitudes du peintre.
De plus petits formats, assemblages de plâtre, résine et émaux à la composition douce, comme autant de fragments de surfaces qui auraient pu être glanés lors d’errances urbaines nous accompagnent et nous rappellent que bien souvent, la richesse du travail de l’artiste est dans les détails.
Toutes ces « toiles » sont présentées ici en un accrochage qui se rapproche en réalité de la mise en scène d’un intérieur domestique. Les formes au sol, même en reprenant les techniques de composition de matières chères à l’artiste, s’avèrent être en réalité plus que simples formes, mais également mobilier usuel. Table basse, petits tabourets, étagère lampe de chevet font avec nous et le titre de l’exposition un pied de nez à la scène de ménage de boulevard où les meubles volent par la fenêtre et finissent dans la rue. Ce mobilier-ci est lui aussi ré-agencé, recomposé et ornementé des talents de l’artiste. Dans un jeu de matières extérieures (crépis, émaux, enduis, etc.) qui viennent recouvrir des éléments d’intérieur, Côme poursuit ses recherches, continue de transposer la matière qui habille la ville sur des surfaces utilitaires de recouvrement : carrelages, linoleums, crépis, mais vient en plus cette fois-ci les appliquer en habillage sur un mobilier utilisable. Indices d’un souvenir de texture remis au gout du jour ? Une sculpture d’usage ? Design ultime de l’artiste créateur ? Glissement de la pratique comme il semble en être la mouvance actuelle ? Lumière faite sur l’importance de la matière ?
Autant de questions qui se posent et que pose Côme Clérino : Et si on jetait les meubles par la fenêtre ? et qu’on recommençait tout à zéro ?
Léo Marin