La pêche 7/7
elvire bonduelle
Double V est heureuse de présenter la première exposition personnelle
d’Elvire Bonduelle "La pêche 7/7" à Marseille.
Du 2 septembre au 28 octobre 2023
28 rue Saint-Jacques · 13006 Marseille
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Double V is pleased to present the first solo exhibition of Elvire Bonduelle "La pêche 7/7" in Marseille.
From September 2nd to October 28th, 2023
28 rue Saint-Jacques · 13006 Marseille
« Les œuvres d'art sont des coins à pique-nique, des auberges espagnoles où l'on consomme ce que l'on apporte soi-même »
François Morellet
Toutes les injonctions à un hédonisme contemporain qui capitalise sur la quête du bonheur pourraient nous fournir des explications sur les intentions de cette exposition intitulée La pêche 7/7, à moins qu'elle ne complique plutôt les choses. Admettant que les vertus autant que les vices de notre société ont pour ancrage des valeurs telles que le travail, le bien-être voire la consommation, Elvire Bonduelle se met, depuis plusieurs années, en quête de sens, notamment du double sens, comme pour désamorcer la « dictature du bonheur ». Cueilleuse de mots et collectionneuse de formes équivoques, elle mélange les registres artistiques et décoratifs en nous donnant rendez-vous, pour cette exposition personnelle, avec la peinture sous le prisme de l'inventaire du quotidien, des bons mots, du jeu et du partage. Tout est une affaire d'alliance, celle à la fois du sérieux et de la facétie. Mi-figue, mi-raisin, vitaminée, juteuse, acidulée parfois acide, cette exposition ne cesse de proposer des mouvements, des décalages pour piquer notre imagination.
Si le plaisir accompagné de l'humour est une des conditions d'existence de ses œuvres, Elvire Bonduelle n'est pas dilettante au travail. Au contraire, ses œuvres ne se construisent pas sans une certaine discipline, elles déjouent les classifications avec une désarmante et farouche simplicité. Sous leur apparences douces, édulcorées, deux nouvelles séries de peintures abordent des enjeux relatifs au temps et à l'argent. Dessinées à la règle pour les lettrages, ces deux séries picturales se confrontent à l'écriture, au logotype, à la typographie et à l'art de l'affiche. Cette minutie s'applique en une combinaison joyeuse et malicieuse avec le sens souvent absurde des formulations choisies pour l'une de ces séries: les phrases « clefs en main », notamment Money Honey, Win Win, Dog Eat Dog, expressions ou dictons en anglais, proposent une traversée dans l'histoire du langage. Tout opère ici par dédoublement, symétrie, imbrication ou inversion. De l'apparence de cette pratique systématique, Elvire Bonduelle gagne en fantaisie, en liberté dans les règles de l'art. « Rigoureuse rigolarde », pour reprendre les mots de François Morellet, l'artiste ruse avec ce monde ordonné et logique fait de convenances et de bienséance. Car, ici on dérègle un système. Ce dérèglement par la règle détourne les discours consuméristes en les exposant comme tels : le renversement entre mots et images offre de multiples possibles narratifs, poétiques ou critiques. Sous leur aspect à la fois banal, souriant et rassurant, ces représentations graphiques schématiques stylisées cachent en réalité autre chose : la violence des injonctions contemporaines, le contrôle de nos agendas.
La semaine s’est imposée comme le rythme majeur de la quotidienneté depuis l'ère industrielle et urbanisée au XIXe siècle. Avec la série hebdomadaire, Elvire Bonduelle enrichit et célèbre le temps qui passe à travers la routine d'une occupation, celle de la pratique picturale comme pratique domestique et intime. Tout se joue à un fil entre utilité et nécessité ainsi qu'entre plaisirs, petits riens et gestes quotidiens. Same same but different. Si Elvire Bonduelle semble peindre un tableau toujours identique mais par ailleurs toujours différent, c'est à prendre plus ou moins au pied de la lettre. La répétition se joue toute en différence et comme les fruits qu'elle peint, ses œuvres ont de multiples saveurs dont on peut se délecter. Travail, passion, temps libre ou contraint, une ligne de démarcation se dessine en douceur, entre l'art, le labeur qu'il implique, sa fonction et la notion de goût. Sans en avoir l'air, une circulation historique et transculturelle des signes s'active dans une remise en jeu permanente du textuel et du visuel, du dicible et du visible. Ce clin d'œil complice avec l'Histoire de l'art facilite l'absence de hiérarchie entre les genres. Les frontières entre l’art et la vie s'annulent et font basculer ces œuvres au propre comme au figuré dans une réalité concrète. Elles acquièrent petit à petit un potentiel fonctionnel.
Si le fruit de cet exercice, à la fois cyclique et contemplatif, est d'explorer le temps et son illusion, avec Maison Voiture Chien, œuvre-memory game d'une centaine d'images compilées et archivées par l'artiste, Elvire Bonduelle incite la participation active du spectateur.rice. « Prête à l'emploi », cette œuvre titille les représentations du soi-disant bonheur, ainsi que des modes de vie qui s'y rattachent, ceux issus de la vie moderne des Trente Glorieuses avec ses mirages. Comme dans le monde impersonnel et gadgétisé du cinéma de Jacques Tati, ce jeu, à première vue ludique et candide, offre plusieurs niveaux de lecture. Elvire Bonduelle mise sur le visuel où la frontière entre le sens et le non sens se trouble. Collectionner, trier, gagner en retrouvant des paires, le tour est joué ! Une touche d'espièglerie anime le tout, quand bien même, un excès de sérieux pourrait inévitablement faire rire.
Croquer la vie à pleine dent : esprits rieurs, emplois du temps et (im)productivité
Marianne Derrien
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“Works of art are picnic spots, hostels where you only eat what you bring yourself.” François Morellet
All the entreaties to participate in the contemporary hedonism that capitalizes on the quest for happiness may well provide us with the explanations we need regarding the intentions of this exhibition entitled La pêche 7/7 [Pep, 24/7], unless, of course, they just complicate matters. Having recognized that the virtues as well as the vices of our society are anchored in values such as work, well-being, and even consumerism, for several years Elvire Bonduelle has been searching for a sense of meaning in it all, particularly a double meaning, as if she is seeking to defuse the “dictatorship of happiness”. As a gatherer of words and a collector of ambiguous forms, she blends the artistic and decorative registers. As a result, this solo show is an invitation to consider painting through a prism composed of an inventory of everyday life, sharp wit, playful tendencies, and unreserved sharing. Everything involves a story of alliance, one between the serious and the facetious. Neither fish nor fowl, this wild, elusive, iridescent, sometimes flighty exhibition never ceases to offer unexpected movements and fresh twists that pique our imaginations.
While mixing pleasure with humor is one of the prerequisites for the existence of her artwork, Elvire Bonduelle is no dilettante. On the contrary, her art is produced with a deliberate discipline to ensure the works thwart classifications with their disarming, fierce simplicity. Beneath their soft, watered-down exteriors, two new series of paintings address issues related to time and money. Drawn with a ruler for the lettering, these two pictorial series confront writing, logotype, typography, and poster art. There is a devotion to minutiae that is exercised in a joyful, mischievous manner by examining the often-absurd meanings of the hackneyed formulations chosen for one of the series: these stock slogans, notably Money Honey, Win Win, Dog Eat Dog, offer a journey through the story of language. Everything here operates through duplication, symmetry, imbrication, or inversion. Due to the appearance created by this systematic practice, Elvire Bonduelle achieves whimsy and freedom while staying within the rules of art. In the words of François Morellet, the artist is “rigorously risible” as she plays tricks with this orderly, logical world of propriety and decorum. Because here, a system is being deregulated. Deregulating within the rules is a way to reappropriate the consumerist discourse by exposing it as such: the reversal between words and images offers multiple narrative, poetic, or critical possibilities. Beneath their banal, smiling, and reassuring appearance, these stylized schematic graphic representations conceal something else: the violence of contemporary dictates, the control of our schedules.
With the rise of the industrialized and urbanized era that began in the 19th century, the week became the dominant rhythm of daily life. With the weekly series, Elvire Bonduelle enriches and celebrates the passage of time by embracing the routine associated with an occupation, that of painting as both a domestic and intimate practice. Everything plays out on the razor’s edge between utility and necessity, and also between pleasures, the little things in life, and the everyday gestures. Same same but different. If Elvire Bonduelle seems to paint a picture that’s always identical but always unique, this is to be taken more or less to the letter. Repetition is all about difference, and like the fruit she paints, her art comes in a variety of flavors for all to enjoy. Whether it’s work, passion, free time, or constraint, a demarcation is established between art, the labor it implies, its function, and notions of taste. Without appearing to do so, a historical and transcultural circulation of symbols is at work, one that constantly puts into play the textual and the visual, the speakable and the visible. This complicit wink towards art history facilitates the absence of hierarchy between genres. The distinctions between art and life become muddied, bringing these works literally and figuratively into the real world. Little by little, they acquire a functional potential.
If the fruit of this cyclical, contemplative exercise is an exploration of time and its illusions, Elvire Bonduelle’s Maison Voiture Chien, a memory-game of some 100 images compiled and archived by the artist, encourages the viewer’s active participation. As a “ready to use” object, this work teases representations of so-called happiness, as well as the lifestyles associated with it, those stemming from the modern life and its associated mirages that emerged from the Trente Glorieuses period of economic prosperity. As in the impersonal, gimmicky world of Jacques Tati’s films, this game, at first glance playful and candid, offers several levels of understanding. Elvire Bonduelle focuses on the visual, blurring the boundary between sense and nonsense. Collect, sort, win by finding pairs, and that’s it! A touch of playfulness enlivens everything, even if an excess of seriousness could ultimately make you laugh.
Diving right into life: jocular spirits, work schedules, and (un)productivity
Marianne Derrien